Les Totems

Poèmes écrits dans les années1978-1980...

Totems Indiens

Fredonnant quelque ivresse, le livre nous renvoie à notre propre lumière, au silence qui en nous demeure. 
Champ de neige, porteur comme la terre, elle même, du chant de la création. 

Sujet aux larmes

Le soir, la lune fait des gammes sur le mur se sa mémoire, des veines saillent sur ses mains. Le soir, il joue aux cartes et se promène dans les bois dont les miroirs effrayent les oiseaux. Le soir, quelques grillons stridulent dans ses yeux, le ciel s'installe près de lui et lui murmure qu'il est seul, sujet aux larmes. 

Le jour, enfin le jour, il s'éclaircit la gorge et continue de peindre, les yeux fermés... 

Une pierre au centre de son sexe, il ne s'entend pas parler. Les moisissures de son corps charrient des larmes de tronc d'arbre et tout se passe dans le vent. Nu, il se sent Verbe au plus haut point du ciel car Dieu n'existe pas...

La mer qui meurt , un soir de solitude...

Le Poète

Le poète, aujourd'hui, relégué dans les fables,
Anéantit le ciel et ses pluies de lotus,
Les trésors inconnus de ses yeux se sont tus, 
Ensevelis nûment sous un sommeil de sable.

Oh, fleur  pâle et naïve aux pétales pointus,
Citadelle de pleurs à la corolle aimable,
Qui se balance au vent sur l'aile d'un vocable,
Ton pollen putréfie des insectes têtus.

Les pluies de prophéties sonores de ce livre,
Les funèbres sanglots de ce marbre tremblant,
Dévorent ses bosquets vermeils, veinés de blanc.

Mais déjà des jardins aux dés bleus, le délivre,
Vivant, il dialogue (Oh, vague aspect...),
Des oiseaux éplorés  d'un peuple sans respect.


Un Faune

Sur les nappes du livre où le ciel nébuleux
Boit le sable doré d'une caresse vive,
Une silhouette verte se vautre en ses rives,
Confusément formée de bras d'arbuste bleu.

Sous des silences de linceul, ensevelis,
Ses yeux consumés, clos, réclament dans leur ambre,
Un éclat de parole aux neiges de décembre,
Des vergers suspendus aux masses de l'oubli.

Constellé d'anthracite, son chant est sinistre,
O Faune, fuis tes forêts nues au son d'un sistre, 
Tes yeux cicatrisés reconnaitront l'azur.

Déferlement sans fin des feux de l'Invisible, 
Sanglé d'obscurs sanglots, de fruits feuillus et mûrs,
Il glanera demain des langages sensibles...

 

Le cavalier de l'Ombre...

Un Cavalier

Amer, restitué au souffle d'une palme,
Un cavalier de l'Ombre insulte dans le vent,
Les œuvres à silence de son Dieu, si calme,
Et se révèle issu d'un peuple de servants.

Des aisselles de barque sous un ciel pervers,
Dissipent ses métaux et ses miroirs de cri,
Il voit parmi ses pas, des livres en bois vert,
Livres médiateurs d'un vol de colibri.

Et son cheval, chargé d'orgasmes vaginaux,
Galope sur l'argile et des feux de paille,
Au bout d'un cap chantant, illuminé d'anneaux.

Faveur du Cri, silex humain, voici que saillent
Des pierres bleues, d'un bleu d'orfèvre sur tes lèvres,
Des pierres bleues... Strophes louables par la fièvre...
 

Captif

Une parole d'aile ébauche une lueur
Sur les feuillages de ma bouche où fume, lente,
Une énigme d'abîme aux serrures brulantes.

Douleur de n'être pas étrangement joueur
De cartes sur le bois obéissant de l'ombre,
Le silence nocturne appelle des cris sombres.

Captif d'une forêt aux longs cils de sueur,
Je me délie dans les motifs dorés d'un livre 
Ouvert au vent mortel de quelques vapeurs ivres...

Océane

Océane

Elle dort, effeuillée dans des forêts d'écume,
Une brise bleuit sur l'ombre de sa chair,
Elle voudrait rejoindre,  environnée de brume,
Le Rêve auréolé d'enchantement amers.

Un murmure de pleur suspendu à ses lèvres,
Les cheveux démêlés, elle nait de la mer, 
Qui effleure d'un flux son corps brulant de fièvre,
Le sable l'abandonne à ses abîmes verts.

O Nocturne qui hante mon sommeil, mon âme,
Exposée au repos éternel des récifs,
De quel amour meurtri, exhales-tu la flamme, 
Ton regard est comblé d'oracles incisifs.

L'ébauche de caresse, à regret, te délaisse,
Paresse feinte, baisers las, superficiels,
Le marbre de l'absence et mon oubli te blesse,
Très belle, je te veux sur un miroir de ciel...


Océan

Marin libre de corps, les algues et les vagues
Engendrent des frayeurs dans tes confins noués,
Tu berceras le cri à l'aube qui divague,
Dans tes bras revêtus de sable et tatoués.

Enlisé dans un songe aux élégies nacrées,
Ton vaisseau paré d'or et de fruits de l'an neuf,
Redoute les festins des effigies sacrées
Qui se disputent les concepts d'un astre veuf.

Tu contemples la mer, pupilles dilatées, 
La mer grisée de pluie, de caps et d'atolls clairs.
Sur ton front, un lichen ensemence un éclair.

La nuit modèle, nue, une écume sculptée,
Une plainte inouïe ou l'haleine d'un vent,
Homme d'eau, tu ne sais, ton masque de servant

Reflète les menstrues d'une mer indomptée... 


Rêveur


Verdure ! Un vent dénude mon regard, la pierre,
Résonance altérée et neuve de mon corps,
Te rappelle à la foi, dénuée de désaccord,
Fuit d'un trait vertical des touffes de lumière.

Une ombre lasse étreint deux fleurs dont les paupières,
Écloses dans la nuit, se ferment sur un sort
Réconcilié avec le ciel. Des parois d'or
S'affrontent dans les plis  de tes mains altières.

Plus de repos ! L'esprit se donne aux branches basses,
Une brume de songe  tremble dans la nasse
D'osier que forment les hésitations.

La lune n'est plus bleue et les blés de la voute
Heurtée, tressaille au moindre souffle de tes doutes,
Que le sommeil soit l'œuvre de ta diction. 


Le tombeau de Merlin

Merlin 

Je suis témoin de l'eau,
Je suis le compagnon des cygnes,
Je chante les métamorphoses des dieux,
c'est vous qui en estes les auteurs !

Porte ta bague à ton larynx, 
tu vas dormir d'un air modeste de sphinx.

Chaque plainte, chaque main
Est une marche vers le ciel.
J'épouserais l'ennui pour te plaire,
O corps gisant, O corps privé de vie ! 

Lesbos et Volupté

Idylle 


L'étang, fantôme blanc sans aile,
Berce de son chant triste et pur,
Les cimes qui, dans l'air obscur,
Vibrent infiniment, si frêle.

Près d'un buisson, O clairs baisers,
Deux jeunes filles s'aiment, nues,
Illuminées de fleurs menues
Et de calme au contour rosé.

O Nymphes aux lèvres humides,
Au corps poli, pâmé d'émoi,
La verdeur de vos fruits, ma foi,
Excitent mon désir limpide.

Leur chair a des parfums d'iris,
L'une s'abandonne aux morsures
De l'autre qui frôle, peu sûre,
D'un doigt tremblant, son clitoris.

Amour naissant sous les platanes...
Sur leurs seins blancs et lourds, le soir 
Abandonne ses clefs, ses mânes,
Laissant la nuit devenir noire.

On ne voit plus que deux silhouettes,
dormant ensemble sur l'herbe rase,
On ouït un trille d'Alouette,
Et mon départ en fin de phrase.

Et le vent joue, insoucieux,
Avec les boucles et les perles
de l'herbe ombrée où quelques merles
Volètent las, silencieux.

 

La lune cligne de l'oeil aux arbres indécis

Merlin, suite...

Ossuaire de minuit, homme d'eau fait de terre,
Tu disperses tes mains remplies de vent au ciel,
Et ton corps enterré dans un profond sommeil,
S'accouple avec des cris d'insectes nécrophages.
Ta voix de vipère mâle ou de menhir bleu,
Défunte, va fleurir au fond d'un sarcophage, 
Car ton âme est vivante en cette heure de lune, 
La forêt tremble au souffle de ton feu follet.

De mes mains pendent des langues de stigmate,
J'aiguise ma faucille inutile aux cadavres,
Repliés sur un suaire, mes doigts accaparent
Les signes de la nuit indécise qui fume.
Enchanteur qui chantait au bord de mon lac blanc,
Dormirais-je un jour, inerte, semblable à toi ?
Car sans vouloir avec mes violons, mourir,
Mon verger est un lit dont les fruits sont gâtés.

Enchanteur, un vol de colombe fond sur moi, 
La lune hilare, cligne de l'œil aux arbres nus,
Nimbés de feu, ils s'éternisent dans son rire,
La dame attend le talisman qui pousse entre mes pieds.
Les aulnes, les saules gris, les chênes, les noyers,
Murmurent à l'onde que le ciel va se noyer.
Au loin, le vent fait ses rapines, les cloches d'une église 
De village sonnent minuit pour Brocéliande.

Cent pétales de main jonchent le sol herbu,
Et mes paupières bleues s'en vont rejoindre un songe
Où les ombres ne sont que des bruits de croix morte.


Arlequin


Sous l'angle aigu d'un ciel phosphorescent, glacé,
Des miroirs aliènent sa forme animée
Et portent la parole à ses lèvres pâmées
Dont les fibres si bleues, méprisent le passé.

Sa chair, navrée de flutes mortes, se fissure
Et la nuit qui se noue sur les fils du néant,
Dissipe les creusets ailés de l'océan,
Doux frémissement de locution peu sûre.

Tu mèneras les vents aux cendres de tes jours,
O mon double éternel, assoiffé de mantique,
Arlequin hoquetant sur le cercle antarctique,
Et les ongles du silence te rendront sourd.

Empreint d'un grimoire ancien de l'azur,
Étincelant rêveur, ordonne le chaos,
Et l'aphasie dont les rafales sont fléaux
Pour L'Étranger, porteur d'un continent futur.

Objectons la substance élargie du poème,
Que l'Esprit soit un souffle absent de tout problème,
Rions de ce pays d'oracle séculaire,
Abusés par les cris des oiseaux bleus, polaires.



Disciple


Disciple de l'Esprit par un soleil doré,
Le poète prostré sur des cailloux limpides,
Dissipe d'un long cri, les pluies d'astéroïdes,
Écloses du ciel vague au sépulcre nacré.

Une voix nue s'endort sur un lac d'ossement, 
Consume ses accents au bûcher casqué d'ombre,
Murmure... Scories verdâtres d'une eau sombre, 
Écho de vasque  vive,  arrosée de serments.

Imprévu, parait-il, au sein d'une colline,
Le ciel, mollement, simule une mandoline,
Et des essaims d'oiseaux aux vêtements vermeils,
Fissurent les récifs étoilés du sommeil.

Cavalerie des vents, instrument vif du texte,
Chaman, il déchire ses mains peuplées d'insectes.


Disciple de l'Esprit

Chasseur

L'attente de l'aurore
S'accompagne d'un écho,
D'une forêt marine
Ou d'une main de plume.


Jaillissement des livres

Parmi les pierres de l'absence,

Celui qui a dompté la lune

Apaise des coups de grisou

Dans les haleines vertes et bleues

De la lumière...


Regard perdu, fenêtre ouverte,

Un corps d'oiseau à l'agonie.

Qui marche ? Qui casse des noisettes ?

Celui qui a conquis les lettres,

Craint l'éclat métallique

De sa bouche effeuillée.


Les plantes le saluent,

Des rages le bousculent,

Il nous dira peut-être,

Un jour, l'incendie de ses yeux

Injectés d'élégies 

Et d'ouragans de paille.


Chasseur de mots dans une larme d'eau,

Quel monde béni te félicite ?

Tu marches sans savoir

Et sans jamais casser

Les fleurs passées du soir.


Fleurs de retour et de papier,

Fleurs de falaise définie,

L'épée de l'herbe accueille

L'arôme de ton souffle.


Végétations de cris

Dans un bocal de fièvre.

Invertébré, tu hurles,

Et tes trousseaux de clefs

Envahissent ta voix...




Nomade

Des images, des lacs, des forêts dans sa tête, il joue de la feuille comme d'autres du violon, roule les "r" comme des petits cailloux, imite l'hirondelle, le pigeon, tout ce qui bouge dans le ciel où il passe le plus clair de son temps, cherchant des bouts de bois pour fabriquer des flûtes. Et ce qu'il ya  d'angoisse et d'espoir dans le solstice d'hiver aucune civilisation n'a pu l'effacer de sa mémoire sourde. 

De l'automne à ce jour, en même temps qu'il s'enfonce dans la longue nuit, il va vers ce sauvetage de la lumière et de la vie que le solstice désigne.  De quelle migration est-il le souvenir ou l'exorcisme ? De quel voyage, est-il le symbole ? On rit de ses facéties, on le moque quand il titube dans le froid, abandonnant derrière lui le fantôme d'une peur cachée. S'il fallait, un jour, redevenir nomade ?


En attendant, il va vers ce sauvetage de la lumière et de la vie que le solstice désigne. Fragile certitude comme une flamme de chandelle...


Au dehors, les ténèbres sont épaisses et le froid gagne. " Voyage immobile, il est un autre voyage, à travers le temps et l'espace, d'autres terres inconnues se profilent..."


Enfin, l'église est là, à flan,c de colline, merveilleuse de proportions avec un clocher à bulbe, doré comme du miel, enfin, la nuit, la route... Entre les sapins personne de dit mot, une voix soudain s'élève, un peu ensommeillée mais droite et claire. Un violon se gratte la gorge... Cantique ancien... Nouveau-né dans son berceau, lumière et vie que le solstice désigne...

La guitare

Sur tes cordes fragiles,
Musique d'astre mort,
Des doigts maigres agiles,
Dissipent les remords.


A l'extrême nacrée,

Accompagne mon chant,

Guitare consacrée 

à l'or poreux des champs.


Nourrit-tu l'espérance

Sur ton bois jaunissant ,

Instrument frémissant

Au gré de ma souffrance ?


Nid favorable

D'un merle, tu murmures

L'amour et le dédain

Sous de sombres ramures.


Que tes formes, sans fin,

De souffles,  effleurée, 

Reflètent  le défunt

Ciel  qui a tant pleuré...



Les joncs

Frêles silhouettes qui dansez sans savoir,
Sur les souffles dociles et dorés d'un soir,
Vos conciles bleus verts ne sont pas ridicules...


Sans cesse, nous fêtons les reflets de la lune,

Le ciel tremblant d'effroi agite son pendule

D'amour, semble mourir pour nos ombres trop brunes...


Le poète pensif contemple son image

Dans une légère onde ou se brisent des joncs...



Hiver


Le jardin recouvert de draps blancs, cristallin,
S'endort,  malgré les doux piaillements des moineaux,
Le ciel est voilé, le vent,  vaguement câlin, 
Est un violoniste ventru qui joue faux.

Le chemin enneigé après avoir traversé le jardin de la mélancholie